Pendant 400 ans, cette rivière a nourri Paris avec 3000 trains de bois par an

La brume matinale se lève sur les eaux calmes de l'Yonne à Clamecy. Un bateau de plaisance glisse sous le pont de pierre. L'aqueduc de Montreuillon dresse ses 33 mètres au-dessus de la vallée.

Mais au musée Romain Rolland, une photographie de 1890 révèle un autre visage. Cette même berge grouillait de milliers d'hommes aux mains calleuses. Ils jetaient des bûches marquées dans le courant froid.

Pendant 400 ans, l'Yonne fut l'autoroute du bois qui ravitaillait Paris. Un secret ancestral que seuls les vestiges murmurent encore.

Quand l'Yonne était l'autoroute du bois de Paris (1547-XIXe)

Le premier train de bois atteint Châtel-Censoir en 1547. Les archives parlent de « bûches perdues » jetées par milliers dans les méandres. L'hiver rigoureux de 1782-1783 change tout.

Une ordonnance royale du 10 avril 1784 ordonne la construction du canal du Nivernais. Le projet relie la Loire à l'Yonne sur 174 kilomètres. Ce canal de 15 km inspiré de Suez témoigne de l'ambition hydraulique de l'époque.

Les tunnels de Collancelle, Breuilles et Mouas percent la roche en 1784. Les ponts néoclassiques d'Émiliand-Marie Gauthey enjambent la vallée. 110 écluses ponctuent le parcours jusqu'en 1841.

Des milliers d'ouvriers ruraux mobilisés chaque automne. 290 kilomètres depuis les sources du Morvan à 680 mètres d'altitude. La descente vers la Loire à 80 mètres d'altitude guide le bois vers Paris.

Les « bûches perdues » : mémoire d'un métier englouti

À l'automne, les bûches morvandelles étaient coupées et marquées aux extrémités puis jetées dans les rivières. « Elles étaient appelées les bûches perdues », précise le musée Romain Rolland de Clamecy.

Chaque train mesurait 75 mètres de long sur 4,50 mètres de large. 200 stères de bois flottaient en formation serrée. Le voyage durait 10 jours jusqu'à Paris.

Les flotteurs guidaient ces radeaux improvisés à la perche. Le bruit sourd des bûches contre les berges rythmait les journées. L'odeur de résine et de vase imprégnait les villages.

Vidéo du jour

L'aqueduc de Montreuillon, cathédrale du flottage

« Construit pour faire passer la rigole d'Yonne, cet ouvrage mesure 152 mètres de long et est haut de 33 mètres », décrit le site La Nièvre Naturellement. L'aqueduc alimente 16 écluses de la vallée de Sardy.

Ses arches de pierre enjambent le vide comme un viaduc ferroviaire. Mais ici, c'est l'eau qui circule au sommet. Cette fontaine de Besançon cache un aqueduc romain rappelle d'autres prouesses hydrauliques françaises.

Clamecy, capitale des flotteurs

En 1804, plus de 3 000 trains de bois transitaient chaque année par Clamecy. Les 4 300 habitants actuels héritent d'une mémoire ouvrière intacte. Les anciens ports de jetage bordent encore la rivière.

Le carnet de Léonard, flotteur en 1863, témoigne : « le 2 avril 1863 je suis allé sur la Baye faire lâcher l'étang de Mouillançon ». Les fêtes fluviales prévues en 2025 reconstitueront ces gestes oubliés.

Naviguer l'Yonne aujourd'hui : un voyage dans les pas des flotteurs

Location de bateau sur le canal Nivernais : 50 à 100 € par heure. Le Canal du Midi facture 80 € minimum. L'affluence reste 50 % inférieure au géant occitan.

Le rythme impose 5 à 8 kilomètres par heure. Comme autrefois, l'Yonne refuse la précipitation. 110 écluses jalonnent le parcours contre 240 sur le Canal du Midi. Cette résurgence de 308 mètres illustre la richesse hydraulique bourguignonne.

Les écluses vivantes du canal du Nivernais

Chaque écluse raconte l'histoire du XVIIIe siècle. Les éclusiers gardent la mémoire des techniques ancestrales. Le passage manuel préserve l'authenticité des gestes d'époque.

Le pont Eiffel de Monéteau, classé Monument Historique, enjambe l'Yonne. Sa ferraille rouillée contraste avec la pierre blonde des berges. L'itinéraire Auxerre-Clamecy couvre 70 kilomètres de mémoire fluviale.

Table morvandelle : goûter au pays des flotteurs

Les bistrots de Clamecy servent encore la « cuisine de flotteur ». Charcuterie morvandelle, escargots locaux, fromages de Crotenay. Un repas complet coûte 20 à 30 €. Les vins AOC Irancy et Chablis accompagnent cette table authentique.

Le jambon du Morvan rappelle les provisions des bûcherons. Ce lac vosgien de 27 mètres partage l'altitude des sources morvandelles de l'Yonne.

L'Yonne face au canal du Midi : pourquoi choisir l'authenticité

L'hébergement coûte 20 % moins cher qu'en moyenne française. Les chambres d'hôtes fluviales affichent 80 à 120 € la nuit. La restauration locale pratique des tarifs 15 % inférieurs à la moyenne.

« Mobilisant des milliers d'ouvriers ruraux, le flottage a marqué l'histoire sociale du bassin de l'Yonne », souligne Routes Touristiques. Cette mémoire vivante distingue l'Yonne des circuits touristiques standardisés.

Le Canal du Midi accueille des millions de visiteurs annuels. L'Yonne préserve l'intimité avec ses 100 000 visiteurs sur le canal Nivernais. L'automne révèle les couleurs morvandelles dans un silence retrouvé.

Vos questions sur la rivière Yonne répondues

Quelle est la meilleure période pour naviguer l'Yonne ?

Printemps avril-juin et automne septembre-octobre offrent les conditions optimales. Températures de 10 à 20 °C, affluence réduite, couleurs automnales évoquant la saison du flottage. Éviter juillet-août où l'affluence augmente de 50 %.

Peut-on encore voir des traces du flottage historique ?

Le musée Romain Rolland à Clamecy conserve photos, outils et témoignages. Les inscriptions sur les écluses, les vestiges des anciens ports, l'aqueduc de Montreuillon témoignent du passé. Accès gratuit aux sites extérieurs, 30 minutes de marche pour l'aqueduc.

Comment l'Yonne se compare-t-elle au canal du Midi en termes de coûts ?

Location bateau Yonne 50-100 € contre 80 € minimum sur le Midi. Séjour 3 jours en couple : 600 € sur l'Yonne contre 900 € sur le Midi. Économie de 30 % avec moins de foule et plus d'authenticité.

La brume matinale se lève sur l'aqueduc de Montreuillon. Ses arches de pierre enjambent le vide comme un pont vers le passé. Sous vos pieds, la rigole murmure l'écho des bûches perdues qui ont nourri Paris.