Ce canal de 15 km inspiré de Suez dort près de la Loire depuis 1913

Une écluse de 169 mètres sommeille au bord de la Loire. En 1899, 805 navires la franchissaient chaque année. Aujourd'hui, seuls les hérons et quelques cyclistes de la Loire à Vélo connaissent son existence.

Le Canal de la Martinière cache un secret d'ingénierie français. Ce géant industriel inspiré du canal de Suez a perdu sa bataille contre Saint-Nazaire mais gagné une seconde vie discrète. 15 kilomètres de berges gratuites, une machinerie du XIXe siècle visitable, et un sanctuaire ornithologique que les Nantais gardent jalousement.

Sur l'écluse principale, l'œuvre "Misconceivable" d'Erwin Wurm trône étrangement. Un bateau mou en métal, symbole parfait de cette transformation poétique.

Quand la Loire rêvait de Suez

1882 : Adolphe Radiguel lance un pari industriel contre l'ensablement de la Loire. Pendant 10 ans, plus de 1 000 ouvriers creusent un canal maritime parallèle au fleuve. Large de 55 mètres, profond de 6 mètres.

Les écluses réutilisent la machinerie du canal de Suez. Un transfert technologique monumental entre l'Égypte et la Loire-Atlantique. Le but ? Concurrencer Saint-Nazaire et maintenir Nantes comme grand port français.

En 1892, le Canal de la Martinière ouvre ses 15 kilomètres entre Le Pellerin et Frossay. L'apogée arrive en 1899 : 805 navires de mer franchissent les écluses, représentant 40% du trafic nantais.

Du cimetière de voiliers au patrimoine caché

Mais l'évolution des navires signe sa fin dès 1913. Trop grands, trop profonds pour les écluses. Après 10 000 passages en 20 ans, le silence s'installe.

1921-1927 : le canal devient un cimetière de grands voiliers désarmés. 1943 : la batellerie s'arrête définitivement. La Seconde Guerre mondiale apporte le sabotage allemand, puis le stockage de matériel OTAN entre 1957 et 1967.

Vidéo du jour

Ce que les Nantais découvrent vraiment

À vélo sur la Loire à Vélo, le canal apparaît comme une parenthèse verte. Les eaux grises-vertes ne portent plus de navires mais reflètent les ciels estuariens. Les écluses en béton gris-ocre dressent leur géométrie austère du XIXe siècle.

L'œuvre "Misconceivable" d'Erwin Wurm provoque un double regard sur l'écluse de la Martinière. Sculpture contemporaine sur ruine industrielle. Les photographes s'y arrêtent au coucher de soleil pour capter cette lumière dorée sur métal rouillé.

Marais secrets et observatoires oiseaux

Les marais de Massereau et Migron s'étendent à 5 kilomètres au sud. Ces zones humides protégées (ZNIEFF, Natura 2000) offrent des observatoires ornithologiques gratuits. Printemps rime avec migrations, hiver avec contemplation silencieuse.

Depuis 1960, le canal régule l'hydraulique du Pays de Retz. Les vannes de la Martinière, Buzay et Carnet irriguent un quart du territoire. Une fonction cachée mais vitale.

L'accès secret depuis Nantes

25 kilomètres séparent Nantes du canal. En voiture, comptez 35 minutes et 12 € d'essence pour l'aller-retour. Le parking du Pellerin reste gratuit. Alternative : bus ligne 98 depuis la gare de Nantes, arrêt "Bac du Pellerin" en 40 minutes pour 2,50 €.

Une journée au canal

10h : arrivée à l'écluse de la Martinière. L'association Accam organise des visites guidées de la machinerie pour 8 €. Comme cette cascade méconnue des Vosges, le canal révèle ses secrets aux curieux.

Mr Clavier, président de l'Association Culturelle du Canal Maritime de la Basse-Loire, accueille les visiteurs individuels. Réservations au 06 33 08 77 90. Les mécanismes du XIXe siècle fonctionnent encore, témoins des 10 000 passages historiques.

Gastronomie locale authentique

Pique-nique sur les berges avec les produits du Pays de Retz. Moules de la Baie de Bourgneuf, galettes-saucisses, muscadet AOC à 9 € la bouteille. La civelle, ces vers marins de Loire, se déguste dans les bistrots du Pellerin pour 18 €.

Les restaurants locaux proposent des repas complets à 22 €. Comme ce village aux 78 monuments cachés, l'authenticité se mérite ici.

Budget réaliste

Hébergement : 55 € la nuit en chambre d'hôtes contre 90 € sur la Loire touristique. Location vélo : 15 € la demi-journée. Kayak sur le canal : 18 € l'heure. Total journée : 75 € contre 140 € sur le Canal du Midi.

Pourquoi ce canal reste ignoré

Aucun classement UNESCO, aucune campagne marketing. Le Canal de la Martinière vit en mode local. Les cyclistes de la Loire à Vélo s'y arrêtent par hasard, les ornithologues y reviennent pour le silence.

Les Nantais l'utilisent pour éviter les foules de Guérande. Contrairement aux piscines naturelles bondées, ici pas de file d'attente, juste l'histoire brute et l'espace pour respirer.

En 1899, Nantes rêvait de battre Saint-Nazaire. En 2025, le canal a gagné autre chose : la paix. Comme ces sites astronomiques secrets, certains trésors se découvrent loin des projecteurs.

Vos questions sur le Canal de la Martinière répondues

Quelle est la meilleure période pour visiter ?

Printemps (mars-mai) et automne (septembre-novembre) offrent les conditions optimales. Températures douces de 12 à 18°C, floraison des marais, migrations d'oiseaux. L'été attire les cyclistes de la Loire à Vélo mais reste agréable avec 20 à 25°C. L'hiver, plus venteux, convient aux ornithologues passionnés.

Le canal est-il vraiment gratuit ?

Les balades pédestres et à vélo restent entièrement gratuites, ainsi que les observatoires ornithologiques et le parking du Pellerin. Seules les visites guidées de la machinerie coûtent 8 € avec l'Accam. La location de vélo ou kayak varie entre 12 et 20 € l'heure selon les prestataires locaux.

Comment se compare-t-il aux autres canaux français ?

Le Canal Nantes-Brest s'étend sur 360 kilomètres avec navigation active et infrastructures développées. Le Canal de la Martinière, plus court avec 15 kilomètres, privilégie l'authenticité patrimoniale et la tranquillité. Moins touristique mais plus contemplatif, idéal pour les découvreurs plutôt que les touristes de masse.

Le soir tombe sur l'écluse de la Martinière. Le bateau mou d'Erwin Wurm projette une ombre étirée sur le béton gris. Un héron décolle des roseaux. Au loin, la Loire coule indifférente, comme en 1899 quand 805 navires croyaient encore pouvoir la dompter.