L'heure d'éte bientôt toute l'année ? Les français en ont marre

Dans la nuit du 30 au 31 mars 2024, la France est passée une nouvelle fois à l'heure d'été. À 2 heures du matin, il sera 3 heures. Cette mesure, introduite en 1975 dans le sillage du choc pétrolier pour réaliser des économies d'énergie, fait l'objet d'une controverse grandissante. De plus en plus de voix s'élèvent pour remettre en question la pertinence de ce changement d'heure bi-annuel.

Le changement d'heure a été instauré en France pour la première fois en 1916, pendant la Première Guerre mondiale, avant d'être abandonné en 1944. Il a ensuite été réintroduit par un décret en septembre 1975, dans un contexte de crise énergétique mondiale. L'objectif était alors de réduire la consommation d'éclairage artificiel en décalant les activités humaines par rapport au cycle du soleil.

Les français en ont marre !

Cette lassitude des Français face au changement d'heure s'explique par plusieurs facteurs. Beaucoup estiment que cette mesure crée plus de confusion que de réels bénéfices. Le fait de devoir régler montres, horloges et autres appareils électroniques deux fois par an est vécu comme une contrainte inutile. De plus, les perturbations du rythme de vie induites par le décalage horaire semestriel sont de plus en plus mal acceptées, notamment chez les parents de jeunes enfants et les personnes âgées. Nombreux sont ceux qui dénoncent un effet négatif sur leur qualité de sommeil et leur humeur. Face à des gains énergétiques jugés minimes et des effets sur la santé controversés, de plus en plus de Français réclament l'abandon pur et simple de cette pratique.

I. Un système de changement d'heure remis en question

Le système actuel de changement d'heure n'est pas appliqué de manière universelle, créant des disparités à travers le monde. Si la plupart des pays européens suivent cette pratique, certains territoires d'outre-mer français comme la Réunion ou la Martinique ne changent jamais d'heure. À l'échelle mondiale, des pays tels que la Russie, l'Argentine ou la Turquie ont déjà abandonné ce mécanisme.

En Europe, les appels à mettre fin au changement d'heure se multiplient. La Commission européenne avait proposé dès 2018 de le supprimer, mais les difficultés à coordonner les différents pays ont retardé la prise de décision. En mars 2019, le Parlement européen a voté en faveur d'un report à 2021, mais depuis, entre le Brexit et la pandémie de Covid-19, la question est restée en suspens.

En France, une consultation publique organisée par l'Assemblée nationale début 2019 a révélé une forte opposition des Français, avec 83,74% des répondants favorables à l'abandon de cette mesure. Plus de 60% des participants ont déclaré avoir vécu une expérience négative ou très négative du changement d'heure.

II. Des bénéfices énergétiques et économiques discutables

L'un des principaux arguments avancés pour justifier le changement d'heure réside dans les économies d'énergie qu'il permettrait de réaliser. Cependant, plusieurs études tendent à relativiser ces gains. Selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), les économies en termes de consommation d'électricité et d'émissions de CO2 sont "modestes".

En 2009, l'Ademe avait chiffré les économies d'énergie à 440 gigawattheures (GWh), principalement sur l'éclairage public. Mais avec la performance accrue des systèmes d'éclairage modernes comme les ampoules basse consommation et les LED, ces gains ont tendance à s'amoindrir. En 2018, ils n'étaient plus que de 351 GWh. À l'horizon 2030, les économies d'énergie en matière d'éclairage sont estimées à seulement 258 GWh par l'Ademe.

De plus, sachant que la majorité de la consommation d'énergie des ménages provient du chauffage et non de l'éclairage, les preuves d'économies d'énergie significatives restent à démontrer. Une étude britannique affirme même que supprimer le changement d'heure en octobre permettrait d'économiser 460 euros par foyer et par an, en réduisant la demande aux heures de pointe.

Sur le plan économique, il est difficile d'évaluer précisément l'impact du changement d'heure. Si certains secteurs comme le tourisme ou les loisirs peuvent en bénéficier, d'autres comme l'agriculture ou les transports peuvent en pâtir. Un rapport du Sénat de 1997 soulignait déjà la difficulté à obtenir des données chiffrées fiables sur le sujet.

III. Des effets sur la santé et la sécurité sources d'inquiétudes

Si certaines études suggèrent que le changement d'heure améliore la sécurité routière grâce à une meilleure visibilité, d'autres pointent au contraire une possible augmentation des accidents de la route en raison des perturbations du sommeil induites. La Commission européenne, dans un rapport de 2014, relève des "résultats souvent contradictoires" sur le sujet.

Néanmoins, selon l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière, le nombre d'accidents impliquant un piéton augmente de manière récurrente de 42% en novembre par rapport à octobre, sur la base des données recueillies entre 2015 et 2019. La Sécurité routière appelle donc régulièrement à la vigilance des usagers lors du passage à l'heure d'hiver.

Sur le plan de la santé, plusieurs travaux alertent sur les effets négatifs potentiels du changement d'heure :

  • Une étude suédoise publiée dans le New England Journal of Medicine en 2008, s'appuyant sur des statistiques nationales entre 1987 et 2006, constate une augmentation significative du risque de crise cardiaque dans la semaine suivant le passage à l'heure d'été.
  • Selon un rapport de la Commission européenne de 2015, le changement de biorythme du corps peut entraîner des troubles du sommeil et de l'humeur. Le monde médical reste cependant partagé sur l'existence de troubles directement imputables au changement d'heure.
  • Une étude américaine de 2019 sur le "jetlag social" du changement d'heure observe qu'une heure de soleil en plus le soir fait perdre jusqu'à 19 minutes de sommeil en moyenne.

Malgré ces éléments, la Commission européenne conclut en 2015 que les preuves des effets globaux sur la santé "ne sont pas concluantes", appelant à de plus amples recherches sur le sujet.

IV. Vers une remise en cause du changement d'heure en Europe

Face à ces constats, la Commission européenne souhaite mettre fin au changement d'heure depuis 2018. Mais pour cela, il faudrait que les pays membres s'accordent pour harmoniser leurs pratiques. Certains pourraient choisir de rester à l'heure d'été de manière permanente, d'autres à l'heure d'hiver. Un casse-tête diplomatique qui explique en partie le statu quo actuel.

La disparité des situations à l'échelle mondiale complexifie également la donne. Alors que des pays comme le Japon, la Corée du Sud ou l'Inde n'ont jamais adopté le changement d'heure, d'autres comme les États-Unis, le Canada ou l'Australie continuent de l'appliquer. Une harmonisation globale semble illusoire à court terme.

Néanmoins, il semble probable que le système de changement d'heure évolue à moyen terme en Europe. Les pressions citoyennes et les interrogations scientifiques légitimes plaident pour une réévaluation en profondeur de cette mesure. Quelle que soit l'option retenue, un consensus à l'échelle européenne sera essentiel pour éviter une cacophonie de fuseaux horaires sur le continent.

En définitive, le changement d'heure apparaît aujourd'hui comme une mesure de plus en plus controversée, malgré son objectif initial louable d'économies d'énergie. Il est temps de trancher le débat sur la base d'études approfondies et concertées, afin de déterminer si les bénéfices de cette pratique sont réellement supérieurs à ses inconvénients. Une chose est sûre : le système actuel semble avoir fait son temps.