Dormir moins de 5h par nuit ferait grossir votre ventre de 32% d'après une étude

Une étude publiée dans la revue SLEEP tire la sonnette d'alarme : les jeunes adultes qui dorment moins de 5 heures par nuit sont particulièrement à risque de stockage de graisse au niveau abdominal au fil des années. Ces résultats soulignent l'importance cruciale d'un sommeil suffisant et régulier dès le plus jeune âge pour prévenir l'obésité et les maladies métaboliques.

Les nuits très courtes favorisent le gain de graisse viscérale et sous-cutanée

Les chercheurs ont suivi une large cohorte de 1107 adultes hispaniques et afro-américains âgés de 18 à 81 ans pendant 5 ans. 

Ils ont mesuré précisément leur tissu adipeux viscéral (VAT) et sous-cutané (SAT) abdominal par scanner à l'inclusion et 5 ans plus tard, ainsi que leur durée de sommeil habituelle par questionnaire. Les résultats sont édifiants chez les moins de 40 ans :

« Comparés aux participants dormant 6 à 7 heures, ceux dormant 5 heures ou moins par nuit avaient une accumulation significativement plus importante de graisse viscérale (+13 cm² vs +3 cm²) et sous-cutanée (+41 cm² vs +27 cm²) sur 5 ans, après ajustement sur l'âge, le sexe, l'origine ethnique et l'adiposité initiale. Cela représente une augmentation de volume de +32% pour la graisse viscérale et +25% pour la graisse sous-cutanée sur cette période.»

L'association était significative même après prise en compte d'autres facteurs de risque d'obésité comme le tabagisme, l'activité physique, l'apport calorique et le niveau d'éducation. 

Le manque de sommeil semble donc être un facteur de risque indépendant et puissant de l'accumulation de graisse abdominale, une localisation particulièrement délétère pour la santé métabolique.

En revanche, aucune association significative n'a été observée chez les plus de 40 ans entre durée de sommeil et évolution de la graisse abdominale. Les auteurs avancent plusieurs hypothèses :

Vidéo du jour

« Les jeunes adultes pourraient être plus vulnérables aux effets métaboliques d'un court sommeil de par leur rythme de vie souvent intense, leur stress ou encore leur alimentation. Une autre explication serait un effet d'usure : un manque de sommeil chronique depuis l'adolescence ou le début de l'âge adulte pourrait programmer durablement le métabolisme et favoriser le stockage de graisses. Enfin, il est possible que le manque de sommeil ait des effets différents selon les périodes de la vie, avec un impact plus marqué pendant les années de maturation physiologique.»

Trop dormir, aussi un signal d'alerte ?

De façon plus surprenante, l'étude révèle aussi un lien entre les nuits longues de 8 heures et plus et le gain de graisse abdominale, bien que dans une moindre mesure que pour les nuits très courtes. Chez les moins de 40 ans gros dormeurs, l'augmentation moyenne de graisse sur 5 ans atteignait 6 cm² pour le compartiment viscéral et 20 cm² pour le tissu sous-cutané, des valeurs intermédiaires entre les petits et les moyens dormeurs.

« Un sommeil long est souvent associé à d'autres facteurs comme la dépression, la sédentarité, certains médicaments ou problèmes de santé qui peuvent aussi influencer la composition corporelle de façon négative. Ces résultats ne signifient pas que trop dormir fait grossir, mais que cela peut être un marqueur de mode de vie délétère ou de problème de santé sous-jacent qui mérite d'être exploré.» nuancent les auteurs.

Cependant, certains mécanismes biologiques directs pourraient aussi entrer en jeu. Des études ont montré qu'une durée de sommeil excessive était associée à des perturbations des rythmes métaboliques et hormonaux, une diminution de la thermogénèse et de la dépense énergétique. 

Un sommeil trop long pourrait être le reflet d'un sommeil de mauvaise qualité avec des phases de réveil et une fragmentation qui seraient délétères pour la santé.

Les minorités ethniques, premières concernées par les troubles du sommeil

Un résultat notable de l'étude est la forte prévalence des durées de sommeil inadéquates dans cette cohorte composée de minorités ethniques. Chez les moins de 40 ans, 30% des hommes hispaniques et 27% des femmes afro-américaines rapportaient dormir moins de 5h par nuit. À l'inverse, plus de 50% des femmes hispaniques dormaient 8 heures et plus.

« De nombreuses études ont montré que les afro-américains et les hispaniques étaient plus à risque de souffrir d'un sommeil court ou de mauvaise qualité, notamment en raison de facteurs socio-économiques, d'un travail de nuit plus fréquent, d'un environnement défavorable ou encore de croyances culturelles autour du sommeil. Malheureusement ce sont aussi des populations à plus haut risque d'obésité et de diabète. Identifier les troubles du sommeil dans ces groupes et mettre en place des interventions adaptées est un enjeu de santé publique majeur. » commente le Dr Carmen Sanchez, co-autrice.

Intégrer la promotion d'une bonne hygiène de sommeil dans les messages de prévention, former les professionnels de santé au dépistage des troubles du sommeil, favoriser l'accès à une prise en charge adaptée dans les quartiers défavorisés font partie des leviers à actionner rapidement pour réduire ces inégalités de santé.

Miser sur le sommeil pour endiguer l'épidémie d'obésité

Cette étude renforce un faisceau d'arguments suggérant un rôle clé d'une durée de sommeil inadéquate (trop courte ou trop longue) dans le développement de l'obésité abdominale et de ses complications, en particulier chez les jeunes adultes. 

D'autres travaux ont montré qu'un sommeil insuffisant chronique dérèglait les hormones de la satiété et de la faim, augmentait l'appétit pour les aliments gras et sucrés, diminuait la dépense énergétique et la sensibilité à l'insuline. C'est un cercle vicieux, l'obésité prédisposant en retour au manque de sommeil (apnées du sommeil, reflux, inconfort...).

« Le constat que les effets délétères d'un mauvais sommeil sur la graisse corporelle s'installent très tôt dans la vie adulte est crucial. Cela suggère qu'intégrer systématiquement un volet sommeil dans les stratégies de prévention de l'obésité dès l'enfance et l'adolescence pourrait être salvateur à long terme, en particulier dans les populations à risque. Il est urgent de sensibiliser le grand public et les professionnels de santé aux enjeux d'un bon sommeil pour le poids et le métabolisme.» martèle Kristen Hairston, autrice principale.

Les experts recommandent aux jeunes adultes de dormir entre 7 et 9 heures par nuit, à des horaires réguliers. La promotion d'une bonne hygiène de sommeil (limiter les écrans et les excitants le soir, créer un environnement calme, sombre et à bonne température, gérer son stress par la relaxation...) pourrait être un levier de santé publique simple et peu coûteux contre l'épidémie d'obésité, au côté des messages sur la nutrition et l'activité physique.

Prendre soin de son sommeil, c'est prendre soin de son poids et de sa santé métabolique future. 

Un message à diffuser largement et urgemment auprès des jeunes générations pour inverser la tendance inquiétante à l'obésité et au diabète. L'éducation au sommeil devrait faire partie intégrante des programmes scolaires au même titre que l'éducation alimentaire. Et si un bon sommeil devenait le nouveau geste santé à adopter dès le plus jeune âge ? De futures recherches interventionnelles devront confirmer l'efficacité sur le terrain d'une telle approche pour soigner nos nuits... et notre ligne !