Cette ville de Pennsylvanie brûle depuis 63 ans sous les pieds de ses 10 derniers habitants

La Route 61 se fissure sous vos roues. Des panneaux d'avertissement jalonnent l'asphalte déformé. Au loin, des volutes de fumée s'échappent du sol par intermittence.

Bienvenue à Centralia, Pennsylvanie. En 1962, cette communauté minière abritait 1 435 habitants. Aujourd'hui, quelques dizaines de résidents persistent au-dessus d'un brasier souterrain qui brûle depuis 63 ans. Le feu de mine s'étend sur 15 km² et pourrait consumer le charbon local pendant encore 250 ans.

Le 27 mai 1962 — Quand une décharge a enflammé une ville

Centralia prospérait grâce à l'anthracite. Les galeries minières du XIXe siècle alimentaient cette communauté du comté de Columbia. Les familles ukrainiennes et polonaises s'installaient près des puits.

Ce matin de mai 1962, les autorités locales incendient une décharge aménagée sur d'anciennes excavations. L'opération de nettoyage tourne mal. Les flammes atteignent une veine de charbon oubliée sous terre.

Premiers signes alarmants : odeurs de soufre, chaleur inhabituelle du bitume, fumées émergeant de fissures. Les pompages d'eau échouent. L'injection de slurry-ciment ne colmate qu'en surface. Le feu se propage à travers le réseau souterrain sur des milliers d'hectares.

60 ans de feu souterrain — Les chiffres qui défient l'imagination

L'ampleur du brasier

La combustion s'étend sous 3 700 acres, soit environ 15 kilomètres carrés. À certains endroits, le feu descend jusqu'à 90 mètres de profondeur. Les températures souterraines atteignent plusieurs centaines de degrés Celsius.

Comme l'explique David DeKok, journaliste spécialisé : "Centralia était une communauté agréable d'environ 1 435 personnes en 1962... Au final, la couverture de presse répétée et percutante par moi-même et d'autres journalistes a forcé une résolution."

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L'exode d'une communauté

Entre 1983 et 1992, le gouvernement fédéral finance la relocalisation forcée. Acquisitions de propriétés, démolitions massives, relogement des familles. Le coût total dépasse les dizaines de millions de dollars.

L'évolution démographique résume la tragédie : 1 435 habitants en 1962, seulement 10 au recensement 2010. En 2025, quelques dizaines de résidents s'obstinent sur ce territoire classé dangereux.

Ce qui reste — Paysages d'une ghost town américaine

L'église solitaire et le cimetière qui respire

L'Assumption of the Blessed Virgin Mary Ukrainian Greek-Catholic Church domine le paysage désolé. Construite en 1911, elle demeure le seul édifice religieux encore debout. Symbole de persistance face à l'abandon.

Le cimetière de Centralia offre un spectacle surréaliste. Entre les pierres tombales émergent des cheminées d'aération métalliques. Ces tuyaux évacuent les gaz toxiques du feu souterrain. Le sol se réchauffe près des tombes.

Graffiti Highway — L'attraction disparue

La section abandonnée de la Route 61 était devenue une toile géante. Des graffitis multicolores recouvraient l'asphalte fissuré fermé dans les années 1990. Le hashtag #GraffitiHighway attirait les photographes du monde entier.

En 2020, les propriétaires recouvrent le site de terre pour stopper le vandalisme. Aujourd'hui, seules les images d'archives témoignent de cette galerie d'art éphémère au-dessus des flammes.

Visiter Centralia en 2025 — Réalités et précautions

Aucune visite guidée officielle n'existe. Le site reste librement accessible mais majoritairement propriété privée. Panneaux d'avertissement et respect des résidents persistants sont impératifs.

Les dangers restent réels : affaissements soudains, émissions de monoxyde de carbone, chaleur extrême localisée. La meilleure période s'étend de mai à octobre, quand le climat continental humide permet l'exploration extérieure.

Hébergements à Bloomsburg ou Pottsville, distantes de 20-30 kilomètres. Motels économiques dès 55 € la nuit. La gastronomie locale reflète l'héritage ukrainien et polonais : pierogis, saucisses, pâtisseries traditionnelles dans les communautés voisines survivantes.

Vos questions sur Centralia répondues

Peut-on vraiment visiter Centralia librement ?

Oui et non. Le territoire n'est pas officiellement interdit mais la majorité appartient à l'État de Pennsylvanie. Quelques résidents demandent le respect de leur tranquillité. Photographes et amateurs d'exploration urbaine visitent à leurs risques dans une zone légalement grise.

Pourquoi le feu n'a-t-il jamais été éteint ?

Les tentatives multiples ont échoué entre 1962 et les années 1980. Pompage d'eau inefficace, injection de slurry contournée, tranchées-barrières débordées. Le réseau de galeries souterraines s'avère trop vaste et complexe. Le coût d'une extinction totale dépasserait plusieurs centaines de millions d'euros.

Centralia vs Pripyat — Quelle ghost town visiter ?

Centralia propose une exploration informelle et accessible depuis les États-Unis. Pripyat nécessite des visites encadrées avec permis en Ukraine. Centralia reste gratuite hors transport, tandis que les tours de Pripyat coûtent 95-285 €. Atmosphères différentes : catastrophe industrielle locale versus tragédie nucléaire internationale.

Au crépuscule, la fumée s'élève encore des fissures de l'asphalte. L'église solitaire se découpe sur le ciel orangé de Pennsylvanie. Centralia dort d'un sommeil brûlant, figée entre mémoire et oubli, brasier éternel sous un silence de cathédrale.