Cette île japonaise de 6,3 hectares a atteint 83 500 habitants au km² avant d'être abandonnée en 1974
À 20 kilomètres au large de Nagasaki, une silhouette grise émerge de la mer de Chine orientale. Hashima, surnommée Gunkanjima, « l'île cuirassée ».
En 1959, 5 259 habitants vivaient sur ces 6,3 hectares. Record mondial absolu : 83 500 habitants par km². Neuf fois plus dense que Tokyo à la même époque.
Aujourd'hui : zéro habitant depuis 1974. L'île la plus peuplée de l'histoire humaine est devenue ville fantôme. Une exclusivité planétaire inscrite au patrimoine UNESCO malgré son passé de travail forcé.
Gunkanjima, l'île cuirassée qui défiait la géographie
480 mètres de long. 160 mètres de large. Un rocher perdu dans l'océan Pacifique transformé en ville verticale.
En 1810, des gisements de charbon sont découverts sous l'île. Mitsubishi rachète le site en 1890. L'expansion commence : remblayage, construction d'immeubles de 7 étages en béton armé.
1916 : premier bâtiment en béton armé du Japon construit sur Hashima. Innovation révolutionnaire pour l'époque. Les tours grises s'élèvent, défiant les typhons et les embruns.
Des passerelles suspendues relient les bâtiments. Les rues ne dépassent pas 3 mètres de large. Chaque mètre carré compte. Chaque famille dispose de 30 à 40 m² maximum.
Vue depuis la mer, l'île ressemble à un cuirassé militaire. D'où son surnom : Gunkanjima. Une forteresse de béton posée sur l'eau comme cette île japonaise de 0,6 km² qui abrite 1 000 lapins sur d'anciennes ruines toxiques.
De l'apogée industrielle à l'abandon total
1959 — l'année record
5 259 habitants sur 6,3 hectares. Densité inégalée dans l'histoire urbaine mondiale. Manhattan ne dépasse pas 27 000 hab/km² à la même période.
École primaire et secondaire, hôpital, cinéma, piscine sur toit-terrasse. Hashima fonctionne comme une ville autonome. Les mineurs descendent sous la mer extraire 410 000 tonnes de charbon par an.
Vie communautaire intense. Les enfants jouent dans des cours d'immeubles grandes comme des mouchoirs de poche. Les familles se connaissent toutes.
1974 — la fermeture brutale
Le Japon passe au pétrole. Les gisements s'épuisent. En quelques mois, Hashima se vide de ses habitants.
Avril 1974 : départ du dernier résident. Tout reste sur place. Meubles, vêtements, objets personnels abandonés dans la précipitation. Comme si le temps s'était arrêté.
Interdiction d'accès pendant 35 ans. La mer reprend progressivement ses droits. Le béton résiste aux typhons, mais se fissure lentement sous l'assaut du sel et de l'humidité.
Le patrimoine controversé que l'UNESCO a reconnu
La mémoire du travail forcé
Entre 1943 et 1945, environ 700 travailleurs coréens et chinois sont contraints de travailler dans les mines. Conditions extrêmes : 12 heures sous terre, malnutrition, punitions corporelles.
Décès documentés dans les archives Mitsubishi. Controverse diplomatique majeure lors de l'inscription UNESCO en 2015. Le Japon s'engage à présenter l'histoire complète, comme ce mémorial chinois qui reçoit 5 millions de visiteurs par an.
Aujourd'hui, les guides évoquent systématiquement cette période sombre. Devoir de mémoire assumé face aux visiteurs.
Inscription UNESCO 2015
Intégration dans les « Sites de la révolution industrielle Meiji ». 23 sites au total, dont Hashima comme symbole architectural pionnier.
Premier usage du béton armé au Japon. Valeur technologique et historique reconnue mondialement. Malgré les controverses, l'UNESCO valide l'inscription à condition de transparence mémorielle.
Exposition permanente inaugurée à Nagasaki en 2025. Témoignages de descendants de travailleurs forcés enfin présentés au public.
Visiter Hashima en 2025 — l'expérience réglementée
Accès uniquement par bateau depuis Nagasaki. 40 minutes de traversée, 25 € par personne. Plusieurs opérateurs agréés proposent des tours quotidiens.
Visite guidée obligatoire. Parcours sécurisé limité à 15% de l'île. Zones dangereuses interdites à cause de l'effondrement progressif des structures.
30 000 à 40 000 visiteurs par an. Nombre contrôlé pour préserver le site. Atmosphère post-apocalyptique saisissante, popularisée par le film James Bond Skyfall et des séries comme ce village de 900 hanoks qui reçoit 1 049 touristes par habitant.
Meilleure période : septembre à novembre. Mer calme, températures agréables entre 15 et 25°C. Lumière automnale idéale pour la photographie.
Instagram et TikTok ont relancé l'intérêt : plus de 50 000 posts avec #Gunkanjima en 2025. Les couchers de soleil sur les ruines de béton fascinent une nouvelle génération de visiteurs, comme à Railay Beach où 500 000 visiteurs arrivent par bateau.
Vos questions sur Hashima, Japon (voir Gunkanjima) île-prison pour travailleurs forcés répondues
Peut-on dormir sur l'île ?
Non. Aucune infrastructure fonctionnelle depuis 1974. Pas d'électricité, d'eau courante ni d'hébergement.
Visite limitée à 1h30 maximum. Hébergement obligatoire à Nagasaki : de 45 € en auberge à 120 € en hôtel. Impossible de rester après le départ du dernier bateau.
Pourquoi l'île est-elle si dégradée ?
Abandon brutal sans entretien depuis 50 ans. Climat marin agressif : typhons, sel, humidité constante accélèrent la corrosion du béton.
Infrastructures construites entre 1910 et 1960 sans maintenance. Zones effondrées dangereuses. Absence de végétation dense : peu de sol, environnement trop hostile.
Hashima vs Pripyat — quelle différence ?
Hashima : abandon économique lié à la fin du charbon. Pripyat : catastrophe nucléaire de Tchernobyl. Hashima accessible en tour organisé, Pripyat sous contrôle strict à cause des radiations.
Hashima plus petite : 6,3 hectares contre 13 km² pour Pripyat. Hashima inscrite UNESCO, Pripyat reste zone d'exclusion. Toutes deux fascinent par leur aspect post-industriel authentique.
Le bateau s'éloigne. La silhouette de béton gris rétrécit dans le sillage. Le soleil couchant dore les façades décrépites. Ce qui fut la ville la plus dense du monde n'est plus qu'un rocher habité par le vent salé et les mémoires enfouies.