Cette île japonaise de 0,6 km² abrite 1 000 lapins sur d'anciennes ruines toxiques

Le ferry glisse sur la mer intérieure de Seto, 15 minutes depuis Tadanoumi. Sur le ponton, une trentaine de formes blanches et brunes attendent. Pas des statues - des lapins. Plus de 1 000 habitent Okunoshima, 0,6 km² d'histoire effacée.

Entre 1929 et 1945, cette île produisait du gaz toxique. Elle était interdite aux cartes japonaises. Aujourd'hui, 400 000 visiteurs par an viennent caresser ses nouveaux résidents.

Comment l'île la plus secrète du Japon est-elle devenue son sanctuaire animalier le plus accessible ?

L'île que le Japon avait effacée des cartes

Okunoshima appartient au Parc national de la mer intérieure de Seto. Préfecture d'Hiroshima, 34,2967° N, 132,8840° E. Son histoire commence en 1929.

L'armée impériale choisit ce rocher de 4 km de périmètre pour produire des armes chimiques. Secret absolu - l'île disparaît des cartes officielles. Pendant 16 ans, des usines en béton crachent du gaz moutarde.

1945 : capitulation japonaise, abandon total du site. Les bâtiments se fissurent, la végétation reprend. Dans les années 1970, des enfants du continent relâchent huit lapins.

Les ruines grises émergent encore entre les arbres. Témoins silencieux sous le soleil d'Hiroshima. À 1h30 de train depuis la ville, comme Hoi An qui gère parfaitement sa fréquentation massive.

1 000 lapins règnent sur les ruines industrielles

Les nouveaux habitants de l'île interdite

Dès la descente du ferry, ils entourent les visiteurs. Blancs, roux, tachetés - aucun prédateur naturel, aucune voiture. Leur population oscille entre 900 et 1 200 individus selon les estimations récentes.

Ils ne fuient pas. S'approchent, reniflent les sacs, espèrent des granulés vendus au port pour 500 ¥. Phénomène Instagram : #OkunoshimaRabbits2025 cumule 500 000 publications.

Les lapins posent devant les bunkers en béton. Ils dorment contre les murs effondrés de l'ancienne usine. Contraste saisissant : douceur animale sur violence industrielle passée.

Vestiges industriels préservés dans la nature

Trois bâtiments principaux subsistent. L'usine de production : béton fissuré, interdite au public. Le dortoir des ouvriers : colonnes rouillées. La centrale électrique : toit effondré.

Vidéo du jour

Pas de mise en scène muséale. La jungle reprend ses droits. Panneaux explicatifs en japonais et anglais racontent la production toxique. Lapins gambadant entre ruines militaires.

Vert des fougères contre gris du béton industriel. Même proportion visiteurs/surface que le Mont-Saint-Michel : gigantesque affluence sur minuscule territoire.

Une journée hors du temps à 1h30 d'Hiroshima

Circuit de l'île et rencontres animales

4 km de périmètre, 1h30 à pied. Location vélo 1 000 ¥ par jour. Trois spots principaux : la plage sud de 500 m, la colline "Hill of the Evening Sun" à 70 m d'altitude, le phare pittoresque interdit mais photogénique.

Entre avril et octobre, affluence de 1 000 visiteurs par jour les weekends. Les lapins se concentrent près du port le matin. Ils attendent les ferries, puis se dispersent l'après-midi dans les bois.

Règles strictes : pas porter les lapins, pas introduire de nourriture personnelle. Le petit musée du Poison Gas explique l'histoire chimique en 30 minutes. Entrée gratuite près du port.

Restauration et hébergement sur place

Un seul restaurant : Kyukamura Okunoshima Hotel. Spécialités fruits de mer de Seto, Hiroshima okonomiyaki. Prix moyen repas : 1 300 ¥, soit environ 9 €.

Hôtel du parc : 8 000 à 15 000 ¥ la nuit, soit 60 à 110 €. Réservation obligatoire haute saison. Alternative : dormir à Tadanoumi pour 5 000 à 7 000 ¥, ferry premier départ 8h40.

Pas de convenience store sur l'île. Prévoir eau et snacks. Comme Railay Beach, accès uniquement par bateau avec logistique limitée.

Ce que les visiteurs ne disent jamais sur Okunoshima

L'expérience divise profondément. D'un côté : douceur tactile des lapins, selfies, joie enfantine. De l'autre : panneaux détaillant les victimes des gaz toxiques.

Bâtiments délabrés rappelant des milliers d'ouvriers exposés sans protection. Certains repartent troublés par cette coexistence. Le Japon a choisi de ne pas restaurer.

Laisser la nature digérer l'industrie. Les lapins ne sont pas une "rédemption" officielle. Juste un hasard devenu symbole. Entre deux caresses, le béton fissuré rappelle : cette île fabriquait la mort.

Aujourd'hui, elle cultive l'oubli doux. Ou la mémoire ambiguë. Ratio visiteurs/résidents comparable aux destinations asiatiques saturées.

Vos questions sur Okunoshima (Rabbit Island), Japon, ancienne usine de gaz toxiques aujourd'hui peuplée de lapins, répondues

Combien coûte une visite depuis Hiroshima ?

Budget total journée : ferry aller-retour Tadanoumi-Okunoshima 720 ¥. Train Hiroshima-Tadanoumi 870 ¥ local ou 3 570 ¥ Shinkansen. Repas sur île 1 300 ¥, granulés lapins 500 ¥.

Total : 3 400 à 5 500 ¥ par personne, soit 25 à 40 €. Location vélo facultative +1 000 ¥. Meilleure période : printemps mars-mai et automne septembre-novembre. Températures 15 à 25°C, affluence modérée.

Les lapins sont-ils vraiment descendants des expériences militaires ?

Débat historique non tranché. Deux théories principales : descendants de lapins de laboratoire échappés après 1945, ou introduction par enfants locaux années 1970. Consensus scientifique actuel : probablement hybrides.

Population augmentée par relâchés récents. Aucun ADN préservé d'avant-guerre pour comparer. La symbolique importe plus que la vérité génétique aujourd'hui.

Okunoshima versus îles aux chats japonaises ?

Différence majeure : Okunoshima combine animaux et histoire industrielle unique. Tashirojima : 80 habitants, 100 chats, aucune infrastructure touristique. Aoshima : 6 résidents, 120 chats, accès limité.

Okunoshima : hôtel, restaurant, musée, 400 000 visiteurs annuels. Infrastructure développée, accessibilité supérieure. Public familles contre photographes puristes pour les îles aux chats.

Le dernier ferry quitte Okunoshima à 18h10. Une dizaine de lapins observent le bateau s'éloigner. Derrière eux, les ruines se découpent contre le ciel d'Hiroshima. L'île referme son double visage.