Ce musée de Pigalle vendait 2500 objets érotiques pour 450000 euros en 2016

72 boulevard de Clichy. Entre les néons du Moulin Rouge et les vitrines touristiques, une porte discrète menait vers l'un des secrets les mieux gardés de Pigalle. Sept étages d'art érotique unique au monde. Plus de 2000 objets qui racontaient l'histoire de la sensualité humaine.
Le Musée de l'Érotisme a fermé ses portes en novembre 2016. Mais son histoire révèle la transformation radicale d'un quartier qui a perdu son âme libertine.
Le dernier témoin du Pigalle coquin
En 1997, Alain Plumey et Joseph Khalifa inaugurent leur musée dans un immeuble haussmannien. Le quartier grouille alors de sex-shops, cabarets et bars à hôtesses. Quinze sex-shops dans un rayon de 200 mètres. Une authenticité populaire que les touristes découvrent avec fascination.
L'entrée coûte 10 €. Les visiteurs montent sept étages thématiques. Chaque niveau révèle une facette différente de l'érotisme mondial. Art populaire, art sacré, photographies des anciennes maisons closes parisiennes.
Comme l'explique un guide touristique présent depuis 20 ans : « Le musée était une concentration exceptionnelle d'art érotique dans un lieu inattendu. Les Parisiens eux-mêmes ne le connaissaient pas. »
2000 objets qui racontaient l'érotisme mondial
La collection rassemblait des pièces venues de cinq continents. Statuettes pré-colombiennes du Pérou datant de 100-700 après J.-C. Objets phalliques japonais du XVIIe siècle. Monotypes érotiques de Degas représentant les bordels parisiens.
Des bustes Yoruba aux dessins de Wolinski
Chaque étage développait une thématique précise. Premier étage : histoire des maisons closes avec 320 objets authentiques. Deuxième étage : érotisme oriental avec 580 pièces asiatiques. Les photographies d'époque montraient le Pigalle libertin du XIXe siècle.
Les dessins contemporains de Georges Wolinski côtoyaient les œuvres de l'artiste argentin Jack Vanarsky. « Cette vente vous offre un tour du monde de l'art érotique », expliquait Alain Plumey lors de la fermeture.
Un musée plus authentique que ses concurrents
Le Musée de l'Érotisme de New York facture 25 dollars l'entrée contre 10 € à Paris. Amsterdam propose une approche scientifique quand Pigalle privilégiait l'art historique. Fréquentation annuelle : 40 000 visiteurs maximum contre 200 000 à New York.
65% des visiteurs venaient de l'étranger. États-Unis, Japon, Allemagne principalement. Seulement 10% de Parisiens découvraient ce patrimoine culturel unique situé dans leur ville.
L'expérience disparue d'un Pigalle authentique
Monter les sept étages prenait une heure. Ambiance intimiste, éclairage tamisé pour mettre en valeur chaque pièce. Les masques rituels Yoruba en bois et pigments bleus côtoyaient les gravures vénitiennes des aventures de Don Juan.
Entre art érotique et témoignage historique
Le cinquième étage exposait 350 œuvres d'art moderne. Les sixième et septième étages accueillaient des expositions temporaires renouvelées tous les six mois. « J'ai adoré ! Ce musée fourmille d'œuvres d'art insolites », témoigne une visitrice sur TripAdvisor en 2013.
La visite contrastait avec le spectacle commercial du Moulin Rouge situé à 100 mètres. Prix d'un spectacle au cabaret : 150 € minimum. L'authenticité culturelle résistait encore face au tourisme de masse.
La mutation d'un quartier emblématique
Entre 2016 et 2025, les prix immobiliers explosent. Boulevard de Clichy : 7800 € le m² en 2016, 14200 € aujourd'hui. Soit une hausse de 82%. Les sex-shops ferment un par un. Un seul subsiste en 2025 : le Sexodrome.
Quinze bars à cocktails remplacent les anciens établissements coquins. Trois coffee shops bio, huit restaurants gastronomiques. « Les sex-shops se sont fait remplacer par des bars à cocktails prétentieux », constate un journaliste de VICE France.
Le symbole d'une mutation urbaine
Le 6 novembre 2016, la collection part aux enchères chez Cornette de Saint-Cyr. 650 lots représentant 2500 objets. Valeur totale réalisée : 450 000 €. Le masque rituel Yoruba atteint 5800 €, les gravures vénitiennes 3200 €.
« Le propriétaire du bâtiment a d'autres projets pour ce lieu », explique la maison de ventes. La gentrification efface les derniers témoins du Pigalle populaire. Le contraste saisissant entre taille modeste et rayonnement culturel disparaît.
« Même fermé, le Musée de l'Érotisme reste un symbole de l'âme libertine et artistique de Pigalle », observe une blogueuse voyage en 2023. Cette mémoire résiste dans les posts Instagram nostalgiques : 12 800 publications sous #EroticArtMuseum.
Vos questions sur le Musée de l'Érotisme de Pigalle répondues
Peut-on encore visiter le musée aujourd'hui ?
Non, fermeture définitive le 7 novembre 2016. La collection a été vendue aux enchères. Le bâtiment au 72 boulevard de Clichy a été reconverti. Aucun projet de réouverture n'est annoncé en 2025.
Que reste-t-il de l'esprit libertin de Pigalle ?
Le Moulin Rouge et quelques cabarets subsistent pour les touristes. Le quartier s'est gentrifié avec des galeries d'art contemporain et restaurants branchés. Un seul sex-shop reste ouvert sur quinze en 1997.
Comment ce musée se comparait-il aux autres musées de sexualité ?
Plus intimiste que le Museum of Sex de New York, plus commercial. Plus axé sur l'art historique qu'Amsterdam, orienté sciences. Prix inférieur : 10 € contre 20-25 dollars. Ambiance locale authentique, pas attraction touristique de masse.
Les néons rouges du boulevard de Clichy clignotent encore. Devant une façade désormais ordinaire. Sept étages silencieux où dansaient autrefois les ombres de l'art érotique mondial. Pigalle a changé de visage, mais l'âme coquine résiste dans les mémoires.