Ce barrage de Savoie employait 800 ouvriers par 18 mètres de neige

À 1 700 mètres d'altitude dans le Beaufortain, un chantier titanesque employa jusqu'à 800 ouvriers pendant six années, défiant les conditions les plus extrêmes des Alpes françaises. Le barrage de la Girotte, érigé entre 1943 et 1949 sur la commune d'Hauteluce en Savoie, témoigne d'un exploit technique qui rivalise avec les plus grands défis de l'ingénierie alpine.

Quand j'ai découvert ce géant de béton niché au cœur du massif du Beaufortain, j'ai immédiatement compris que cette construction cachait une histoire exceptionnelle. Imaginez : 18 mètres de neige certaines années, des matériaux acheminés par téléphérique, et une équipe d'ouvriers capable de couler 1 000 m³ de béton par jour dans des conditions arctiques.

Ce barrage à voûtes multiples de 49,2 millions de m³ transforme radicalement notre compréhension de l'ingénierie de guerre en haute montagne. Mais connaissez-vous les secrets de sa construction qui défièrent toutes les lois de la logistique alpine ?

Le défi technique qui marqua l'histoire de l'ingénierie alpine

Un chantier autonome au sommet des Alpes

Les dimensions de l'ouvrage impressionnent par leur ampleur : 48,50 mètres de hauteur, 510 mètres de longueur de crête, pour un volume total de 115 000 m³ de béton. Mais ce qui rend ce barrage unique, c'est son mode de construction. Entre 400 et 800 personnes travaillaient en totale autonomie, reliées à la vallée uniquement par deux téléphériques spécialement installés pour acheminer personnel et matériaux.

L'innovation forcée par les contraintes de guerre

L'absence d'acier, réquisitionné pour l'Allemagne, imposa l'utilisation exclusive de béton non armé. Cette contrainte technique, loin de handicaper le projet, poussa les ingénieurs Albert Caquot et André Coyne à innover avec la technique des voûtes multiples, parfaitement adaptée aux contraintes du site alpin.

Vidéo du jour

Une construction qui défia les éléments pendant six ans

Des conditions météorologiques exceptionnelles

Le record de 18 mètres de neige tombés en 1944-45 illustre parfaitement les conditions extrêmes que durent affronter les équipes. Jean-Richard Le Cointe, ingénieur sur le chantier, témoignait de cet exploit : parvenir à couler 1 000 m³ de béton par jour la dernière année constituait une prouesse technique remarquable pour l'époque.

Une organisation logistique révolutionnaire

Pour accueillir cette main-d'œuvre exceptionnelle, deux villages d'accueil furent construits : l'un à Belleville, l'autre directement près du lac. Cette infrastructure temporaire permettait une autonomie complète, indispensable dans un environnement où aucune route carrossable n'existait. Saviez-vous que ce chantier servit également d'alibi aux résistants sous l'impulsion du commandant Bulle ?

L'expérience unique qui vous attend aujourd'hui

Un lac artificiel aux dimensions impressionnantes

Le réservoir de 49,2 millions de m³ transforme complètement le paysage original du Beaufortain. Cette réserve d'eau alimentée par les eaux glaciaires du Tré la Tête via 13 kilomètres de galeries souterraines offre un spectacle saisissant avec ses teintes laiteuses caractéristiques de la "farine glaciaire".

Un patrimoine industriel préservé

Contrairement aux grands ouvrages hydrauliques de plaine, la Girotte conserve son caractère sauvage et authentique. L'accès restreint préserve ce site exceptionnel du tourisme de masse, offrant aux visiteurs une expérience confidentielle au cœur des Alpes.

Accès et conseils d'expert pour votre découverte

Planifiez votre visite selon les saisons

L'accès direct en voiture reste impossible l'hiver. Privilégiez la période estivale en partant du parking des Contamines-Hauteluce pour une randonnée de 2h30. La route carrossable, réservée aux exploitants agricoles, rend ce site encore plus préservé que des destinations comme le lac artificiel de Vouglans.

L'approche respectueuse du site

Cette infrastructure historique mérite une approche respectueuse de son environnement alpin. La pêche y est autorisée et réglementée, offrant une activité complémentaire à la découverte architecturale. Contrairement aux ouvrages militaires de l'entre-deux-guerres, la Girotte conjugue parfaitement fonction hydraulique et intégration paysagère.

Note de terrain : Lors de ma dernière visite en septembre, j'ai été frappé par la puissance architecturale de ce barrage qui semble défier la gravité alpestre. Les traces des téléphériques de construction restent visibles pour l'œil averti, témoignages émouvants de ce chantier d'exception.

Questions fréquentes sur le barrage de la Girotte

Peut-on visiter l'intérieur du barrage ?

Les visites guidées de l'ouvrage ne sont pas systématiquement organisées. Renseignez-vous auprès d'EDF Hydro Alpes pour connaître les créneaux exceptionnels d'ouverture au public.

Quelle est la meilleure période pour photographier le site ?

Les mois de juillet à septembre offrent les meilleures conditions d'accès et de luminosité. Les contrastes entre le béton et les sommets enneigés sont particulièrement saisissants en fin d'été.

Le lac est-il praticable pour les activités nautiques ?

Seule la pêche est autorisée sur ce plan d'eau d'altitude. Les activités nautiques motorisées sont interdites pour préserver cet écosystème alpin fragile.

Ce barrage de la Girotte incarne l'excellence française de l'ingénierie alpine, alliant prouesse technique et respect environnemental. Dans un contexte où l'authenticité montagnarde se raréfie, cette destination offre une plongée authentique dans l'histoire industrielle des Alpes, loin des circuits touristiques conventionnels.