Lait de vache : le nouveau croque-mitaine de notre alimentation ?

Encensé par les uns, décrié par les autres, le lait de vache ne laisse personne indifférent. Longtemps considéré comme un aliment incontournable pour la santé des os, il est aujourd'hui pointé du doigt par de nombreux experts. Allergies, maladies chroniques, scandales sanitaires... Les accusations pleuvent sur ce produit star de notre alimentation. Mais que nous dit vraiment la science ? Tentative de démêlage dans cette controverse qui fait tourner les boîtes à lait.

Le lait, indispensable pour nos os ?

C'est l'argument massue des pro-lait : cet aliment serait absolument nécessaire pour faire le plein de calcium et prévenir l'ostéoporose. Il est vrai que le lait de vache est une bonne source de calcium facilement assimilable par l'organisme. Combiné à la vitamine D, il favorise la minéralisation des os, surtout pendant la croissance. Les pays grands consommateurs de produits laitiers affichent d'ailleurs des taux d'ostéoporose plus faibles que les autres.

Mais d'autres facteurs entrent en jeu, comme l'activité physique et l'équilibre hormonal. Et surtout, le lait est loin d'être la seule source de calcium : les légumes verts, les fruits secs, les eaux minérales... offrent des alternatives intéressantes. Des études suggèrent même que l'excès de protéines animales et de sel des fromages pourrait au contraire favoriser la fuite du calcium et fragiliser les os ! Bref, le lait n'a pas le monopole de la lutte contre l'ostéoporose.

Intolérance, allergies : quand le lait ne passe pas

Si l'argument nutritionnel ne fait pas l'unanimité, c'est surtout pour des questions de tolérance que le lait cristallise les tensions. On estime que 75% des humains souffrent d'une intolérance au lactose à des degrés divers, faute de produire en quantité suffisante l'enzyme qui digère le sucre du lait. Ballonnements, diarrhées, nausées... Les symptômes sont parfois invalidants.

Autre problème : l'allergie aux protéines de lait de vache, qui toucherait 2 à 3% des nourrissons. Dans les cas les plus graves, le contact avec des traces de lait peut déclencher un choc anaphylactique potentiellement mortel. Pour les intolérants et les allergiques, mieux vaut donc s'abstenir de tout produit laitier, sous peine de mettre sa santé en danger.

Cocktail d'hormones et scandale sanitaire

Au-delà des questions de digestion, c'est la composition même du lait qui inquiète. Riche en hormones de croissance destinées au veau, ce "cocktail" naturel pourrait selon certains influencer notre équilibre hormonal et favoriser certains cancers hormono-dépendants. Un effet encore plus marqué dans les produits laitiers, où ces molécules se concentrent.

Pire : dans certains pays peu regardants, des éleveurs peu scrupuleux administrent en plus à leurs vaches des hormones de synthèse (rBGH, rBST) pour doper leur production. Un scandale sanitaire dénoncé dès les années 90 par le lanceur d'alerte Robert Cohen dans son livre choc "Milk, the deadly poison". Malgré l'interdiction de ces hormones dans l'UE, le doute s'est installé sur ce que l'industrie laitière fait vraiment boire aux consommateurs.

Antibiotiques et pesticides dans votre bol de lait ?

Autre source d'inquiétude : les résidus d'antibiotiques et de pesticides qui peuvent se retrouver dans le lait. Pour soigner les mammites et autres infections, les élevages intensifs ont massivement recours aux antibiotiques, avec un risque d'antibiorésistance qui passe dans le lait. De même, les pesticides épandus dans les champs se concentrent dans l'alimentation des vaches et dans leurs pis.

Des contrôles stricts existent pour écarter les laits trop contaminés, mais des dérives ont été montrées du doigt à plusieurs reprises. En 2013, un rapport accablant de l'autorité nationale chinoise avait révélé la présence de mélamine, un produit chimique toxique, dans le lait infantile. De quoi nourrir la défiance des consommateurs, même si les règles sont plus strictes sous nos latitudes.

Alors, faut-il arrêter le lait ?

Au vu de tous ces éléments, certains diététiciens appellent à supprimer carrément le lait de notre alimentation. D'autres nuancent en rappelant que les effets néfastes concernent surtout le lait industriel issu d'un modèle productiviste. Le lait bio de vaches élevées dans de bonnes conditions conserverait ses atouts nutritionnels originels.

En réalité, il n'existe pas de réponse universelle : la consommation de lait doit s'adapter à chaque individu selon sa tolérance, ses besoins et ses convictions. À chacun d'expérimenter en conscience ce qui lui convient le mieux, sans dogmatisme. Modération et bon sens restent sans doute les meilleurs conseils en la matière, comme pour le reste de notre alimentation.

Une chose est sûre : avec les alternatives végétales (lait de soja, d'avoine, d'amande...), les intolérants et les vegans ont aujourd'hui l'embarras du choix pour remplacer le lait de vache. De quoi donner des sueurs froides aux géants du lait, qui voient leur monopole lentement mais sûrement grignoté... La révolution est en marche dans nos biberons !